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Le parc W d’Arly : A été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco

Le vendredi 7 juillet 2017, le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco a inscrit la réserve naturelle du Complexe W-Arly-Pendjari, à la frontière entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger, sur la liste du patrimoine mondial.

L’appellation « W » renvoie au tracé sinueux du fleuve Niger qui se fraye un chemin ayant la forme de la lettre W. Pour cette raison les explorateurs européens ont donné à cette zone le nom de « W ».
Aujourd’hui, la région W qui s’étend sur le territoire de trois pays de l’Afrique de l’ouest : le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Elle constitue un réservoir exceptionnel de diversité biologique pour l’Afrique occidentale.
Au cœur de la région du W se trouve le Parc Régional W qui chevauche les trois pays. Il fait partie du complexe WAP (système écologique Parc W/Arly et Pendjari) désignant le vaste complexe régional d’aires protégées de la région qui s’étend sur près de 5 millions d’hectares.

Entre 1952 et 1953, la plus grande partie de la zone composant l’actuel Parc Régional W est classée réserve totale de faune par les autoritaires coloniales françaises, avant d’être érigée en parc national peu après, par le décret de l’Afrique Occidentale Française du 4 août 1954, s’étendant sur le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Il faut cependant considérer que, à présent, chaque état a sa propre catégorisation d’aires protégées et sa propre définition de parc national. Les mesures adoptées pendant la période coloniale visaient à l’exclusion des populations locales de toutes formes d’usages et d’utilisations non seulement à des fins économiques mais également à des fins culturelles ou patrimoniales des espaces concernés. De ce régime colonial, s’est produite une déstructuration de la relation traditionnelle établie entre les populations et les milieux naturels de la région, provoquant des
comportements illégaux susceptibles de nuire aux équilibres écologiques.

L’indépendance acquise par les trois Etats ne modifiera pas en profondeur l’approche coloniale de la gestion des ressources naturelles au sein de la région W. Les législations nationales reprennent et, du même coup, avalisent les réglementations coloniales pérennisant ainsi une situation tendue sur les plans culturel, social et
économique autour des ressources de cette zone. Dans les années quatre vingt, conscients des enjeux tant économiques qu’écologiques liés à la protection des milieux naturels dans la région, les trois Etats décident d’associer leurs efforts pour assurer sa gestion durable. La première rencontre entre les trois Etats à propos de la gestion des aires protégées contigües s’est tenue à Cotonou (Bénin) en juillet
1984. La seconde rencontre s’est déroulée en 1987 à Natitingou (Bénin). Cela conduira à l’obtention en 2002 pour une partie de la région du W du statut de Réserve de biosphère transfrontalière (RBT) du programme l’Homme et la biosphère (MAB) de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Un complexe écologique transfrontalier unique en Afrique de l’ouest : le WAP

Le système écologique WAP est composé d’un ensemble d’espaces aux statuts et régimes de protection très différents à l’échelle des Etats. En plus de la Réserve de biosphère transfrontalière du W (RBT W), le complexe WAP couvre le Park national d’Arly au Burkina Faso ainsi que le Parc National du Pendjari au Bénin. Le WAP fait également l’objet d’une attention particulière à l’échelle internationale puisqu’il couvre deux réserves de biosphère du réseau UNESCO/MAB , un site classé
patrimoine mondial naturel et quatre sites de la Convention de Ramsar. Représentatif du biome Soudano-sahélien, il contient des exemples exceptionnels de processus biologiques et écologiques exprimant les interactions entre les ressources naturelles et l’homme.

Des richesses écologiques identifiées

Différentes études menées dans les années 1980 et 1990 notamment dans la perspective d’un classement du Parc Régional W comme site du patrimoine mondial naturel à l’initiative des Etats du Niger et du Bénin, ont permis d’établir une description précise sous l’angle écologique du Parc Régional W lui-même mais pas de l’ensemble des espaces composant la RBT W. Non seulement le Parc Régional W contient des exemples exceptionnels de processus biologiques et géologiques en
cours mais également des milieux naturels particulièrement importants du point de vue de la diversité biologique et des habitats naturels. La région du W est traversée par plusieurs cours d’eau (Niger, Alibori, Mekrou) qui participe à la diversité des paysages et contribue à maintenir les habitats d’espèces animales et végétales menacées. Ainsi, la zone humide qui se trouve dans le Parc Régional W a été
reconnue d’importance internationale et inscrite comme site Ramsar. La région participe à la survie d’espèces qui ont besoin d’espaces étendus pour effectuer leurs migrations saisonnières. Globalement la densité des grands mammifères est très basse en raison d’une trop grande pression anthropique et malgré une évolution positive enregistrée à l’issue du programme ECOPAS . L’avifaune est considérée
comme très riche en espèces. Les reptiles et les poissons décrits sont typiques du fleuve Niger. Les processus d’alluvionnement consécutifs au régime de crue périodique sont un élément important de la reconstitution du milieu.

Les formations végétales comprennent quatre grandes catégories : les ripisylves, les formations boisées, les formations buissonnantes et les formations herbacées . La diversité de la flore indique la présence d’espèces endémiques d’orchidées du Niger et d’espèces végétales importantes pour l’économie humaine comme le Landolphia heudelotii (plante d’intérêt industriel pour la gomme) ou le Vitex doniana (plante alimentaire). Par ailleurs, l’une des particularités botaniques de la région du W
du Niger tient aux peuplements importants de baobabs (Adansonia digitata) situés dans des zones de savane boisée.

Les paysages naturels de la région du W sont diversifiés car ils comprennent des plans d’eau temporaires ou permanents, des plateaux cuirassés, de grès, des zones d’érosion pluviale active, des strates rocheuses, des falaises. A cette diversité de paysages correspond une diversité des écosystèmes qui comprennent des écosystèmes aquatiques et terrestres. L’utilisation traditionnelle des ressources
par les populations participe à façonner les paysages. Depuis le néolithique, les parcours culturaux contribuent à créer un paysage agraire traditionnel.

La découverte de richesses culturelles

Depuis le Paléolithique inférieur (200 000 avant JC) et jusqu’à la période récente, la région du W a fait l’objet d’une occupation continue, ce qui constitue une exception notable pour l’Afrique de l’ouest. Des découvertes archéologiques du plus haut intérêt , démontrent ainsi l’attractivité historique de cette zone et notamment de la Vallée de la Mékrou.

Une reconnaissance internationale

Le Bénin, le Burkina Faso et le Niger ont ratifié les principales conventions internationales concernant la biodiversité et se sont engagés à les mettre en œuvre. Cet engagement contribuera à écarter le risque bien réel de déclassement de certaines zones de la RBT soumises à une énorme pression anthropique. En 2000, la surface du Parc Régional W réellement protégée n’excédait pas 15% de la superficie totale du parc.

La déclaration de La Tapoa

La Déclaration ministérielle de La Tapoa sur la conservation du complexe régional du Parc du W du 12 mai 2000, marque la volonté des Etats de protéger efficacement les sites et d’ériger le complexe du W non seulement en réserve de la biosphère transfrontière mais également en site du patrimoine mondial de l’UNESCO et site Ramsar. Cette approche « internationalisée » de la conservation a contribué à renforcer l’inviolabilité des aires protégées et favoriser l’adoption d’un accord tripartite institutionnalisant la coopération au sein de la RBT.

L’inscription sur la liste du patrimoine mondial

Alors qu’il est établi que le parc W présente un intérêt certain qui justifierait son inscription comme site du patrimonial mondial, des démarches concertées pour l’obtenir conjointement n’ont pas été entreprises. Le Niger est le seul pays à avoir obtenu l’inscription au titre du patrimoine naturel de sa portion nationale du Parc Régional W. Le Parc National du W du Niger a été ajouté à la liste du Patrimoine Mondial en 1996. De son côté le Bénin a déposé sa demande de classement de la « Réserve du W et l’habitat vernaculaire du nord Bénin » comme site du patrimoine mondial en 1996 souhaitant faire valoir non seulement des processus biologiques et écologiques exceptionnels mais aussi une valeur culturelle. Le Burkina Faso a également soumis une proposition d’inscription pour le « Parc National du W du Niger et aires protégées adjacentes » en 2004. Toutefois, des difficultés de procédures ont rendu ces candidatures infructueuses.

L’inscription sur la liste des zones humides de la Convention de Ramsar

La collaboration établie dans le cadre du réseau AfriMAB va favoriser la conservation des zones humides dans la région du W. En 2007, le Secrétariat de la Convention sur les zones humides annonce l’inscription du complexe du W (895 480 ha) comprenant les zones humides de la zone centrale de la RBT W et des aires protégées voisines le long des frontières avec le Burkina Faso et le Niger comme site Ramsar. Lors de l’inscription, obtenue par l’Agence béninoise de l’environnement, il est précisé
que le Site Ramsar du complexe W est un point de réception pour les eaux de ruissellement de surface et joue un rôle important pour l’infiltration de l’eau, la recharge des eaux souterraines, le piégeage des sédiments et la maîtrise des crues. De manière plus large il contribue à améliorer la qualité des eaux de la région.
La RBT W : Etendue, répartition territoriale et aires la composant
La RBT W comprend des espaces protégés et des zones banales s’étendant sur les trois Etats.
Au Bénin, le Parc national du W du Bénin, (577 236 ha) couvre une part du cœur de la RBT, tandis que les zones de chasse du Djona (118 947 ha) et du Mekrou (110 530 ha), adjacentes au parc du W du Bénin, font parties de la zone tampon de la RBT.
Au Burkina Faso, le Parc National du W du Burkina Faso (235 543 ha) fait partie du cœur de la RBT, tandis que la réserve partielle du Kourtiagou (47 454 ha) et la zone de chasse du Tapoa-Djerma (28 736 ha) font partie de la zone tampon de la RBT.

La difficile gestion du pastoralisme et de la transhumance

La transhumance annuelle d’une centaine de milliers de bovins dans la RBT W est perçue de différentes manières selon les acteurs de la zone. Elle représente une menace très lourde pour la conservation, mais il s’agit aussi d’une activité économique essentielle et d’un mode de vie identitaire auquel certaines populations ne souhaitent pas renoncer. Il n’en demeure pas moins que la protection de la
diversité biologique dans la RBT et au sein du système écologique WAP dépend de la capacité des gestionnaires à exclure le bétail domestique de la zone centrale de la RBT.
Les raisons de la transhumance se trouvent généralement dans le manque momentané ou saisonnier de fourrage et d’eau dans la zone de résidence du bétail. Par conséquent, les départs en transhumance sont liés à l’état des ressources fourragères et dépendent des conditions climatiques. Seule une large
concertation avec tous les acteurs concernés peut permettre « d’organiser » la transhumance en prévoyant des parcours adéquats et sécurisés afin de limiter l’impact négatif sur la diversité biologique.

Les mesures internationales de gestion de la transhumance

La décision A/DEC.5/10/98 relative à la réglementation de la transhumance entre les Etats membres de la CEDEAO 13 du 31 octobre 1998 définit la transhumance inter Etats comme « les déplacements saisonniers entre Etats, du bétail ayant quitté les limites de ses parcours habituels, en vue de l’exploitation des points d’eau et des pâturages » (article 1). Elle assimile à la divagation, « les animaux errant ou pacageant sans surveillance de gardiens ». La décision précise que : « le franchissement des frontières terrestres en vue de la transhumance est autorisé entre tous les pays de la Communauté pour les espèces bovine, caprine, caméline et asine dans les conditions définies par le présent règlement ».
(article 3). Cette décision autorise les déplacements des animaux entre les Etats membres mais les subordonnent à la détention du certificat international de transhumance délivré dans l’Etat de départ et contrôlé à l’arrivée dans les pays d’accueil.

Le déplacement des animaux doit s’opérer selon l’itinéraire prévu au départ et qui doit être conforme aux pistes de transhumance définies par les Etats. D’autres dispositions internationales adoptées dans le cadre du Conseil de l’Entente14 (un forum de coopération régionale)15 et de la CEDEAO16 règlementent également la transhumance. Dans cette perspective, des mesures sur la gestion de la transhumance dans la RBT W seront validées par les ministres concernés dans chacun des trois pays17en février 2004. L’adoption de cet « accord »18 résulte d’un processus participatif de négociations entres les associations intercommunales et les
instances coutumières au Bénin, l’association des éleveurs de la Tapoa, les autorités locales au Burkina Faso et le Comité de gestion d’espace et d’infrastructures pastoraux au Niger. Il ne s’agit donc pas d’une convention internationale au sens « classique », c’est-à-dire d’une convention passée entre Etats mais plutôt d’un engagement formel des autorités compétentes sur un programme de mesures et
d’aménagements entérinant des solutions techniques et spatiales pour assurer l’activité pastorale sans remettre en cause les objectifs de conservation de la zone centrale de la RBT W. Il s’agit notamment de baliser des couloirs de transhumance et des aires de pâturage ou de transit aménagées.

L’Accord de 2004 a permis de dénouer une situation délicate, dans la mesure où le Bénin, subissant de plein fouet les effets néfastes de la transhumance transfrontalière avait décidé de suspendre toute autorisation de transhumance sur son territoire depuis 1995. Le Bénin a maintenu sa position après la Décision de 1998 (A/DEC.5/10/98) relative à la réglementation de la transhumance entre les Etats
membres de la CEDEAO. Le Bénin considérait alors, que les conditions de la transhumance énoncées dans la décision ECOWAS de 1998, n’étaient pas respectées, qu’il n’était donc pas tenu de laisser entrer les troupeaux transhumants sur son territoire. La décision du Bénin a été maintenue jusqu’en 2004.
L’Accord relatif à la gestion concertée de la RBT signé en 2008 réaffirme que l’exploitation pastorale doit être compatible avec cette réglementation internationale
20.

Des sanctions à harmoniser

Les récentes institutions créées sous l’égide de l’accord de 2008 devront par ailleurs se pencher sur la question de l’harmonisation des sanctions appliquées en cas de pâturage illégal. Celles-ci varient considérablement d’un pays à l’autre
. Les éleveurs sont très irrités par cette inégalité de traitement qui peut créer des situations injustes. Par ailleurs, le système de transaction pratiqué par les agents
des trois Etats favorise encore plus les disparités car la sanction dépend alors d’une négociation entre l’agent et le contrevenant.

Le braconnage

Le braconnage au sein de la zone centrale de la RBT W est un braconnage de subsistance et donc avec un impact limité sur la conservation de la diversité biologique car réalisé sans grands moyens et principalement avec des armes artisanales. Un accord de lutte contre le braconnage dans la zone du W
signé le 12 juillet 1984 entre le Bénin et le Burkina Faso ayant reçu adhésion du Niger le 8 juillet 1986 prévoit une collaboration entre les services concernés et notamment la création de patrouilles mixtes (ou patrouilles composées de gardes forestiers des trois pays) ainsi que l’élaboration d’un programme de sensibilisation des populations, des autorités coutumières et administrative. Cette convention ne
sera malheureusement jamais vraiment appliquée.
L’Accord relatif à la gestion concertée de la RBT de 2008 affirme l’engagement des Etats d’opérer une mise à jour de l’Accord anti braconnage.
Il faut hélas constater que malgré les efforts du programme ECOPAS pour harmoniser les politiques de lutte anti braconnage entre les trois pays, les conditions de mise en œuvre de cette action varient notablement d’un pays à l’autre. Cette situation qui rend difficile la gestion commune dans ce domaine, est aggravée par des différences de traitement des dossiers imposées par les directions sans concertation au niveau régional.

La dégradation des sols et le front cotonnier

La filière coton est, avec la transhumance, la problématique la plus lourde de la RBT W. Le développement de l’agriculture cotonnière « soutenue » par des engrais chimiques a conduit, dans la zone tampon de la RBT, a exercé une pression importante sur la zone centrale du fait de l’épuisement observé des sols et donc de la nécessité de faire « évoluer » le front cotonnier vers les terres des aires protégées.
On peut observer également que l’extension des terres sous culture de coton contribue à la disparition progressive des aires de pâturage et augmente la pression sur les couloirs de passage du bétail en transhumance. Par ailleurs, les systèmes de jachère assurant la protection des sols pour une agriculture vivrière sont peu à peu abandonnés au profit de l’exploitation cotonnière.
Une approche concertée entre les trois Etats dans ce domaine est difficile car le cadre juridique relatif au foncier de même que les priorités agricoles varient d’un Etat à l’autre. Cependant des projets devraient être développés à destination des exploitants pour les informer des effets néfastes de la culture « chimique » sur la qualité des sols et plus largement sur toutes les ressources naturelles.
De même un travail d’information devrait être mené concernant les risques du coton OGM souvent présenté aux producteurs comme une solution pour palier aux insuffisances de la culture traditionnelle chimique.

Les conflits liés aux territoires : pratiques traditionnelles et sécurisation foncière

La question de la sécurisation foncière est une question régulièrement soulevée en Afrique de l’ouest, on y voit une forme de solution aux conflits liés à l’accès et aux usages de la terre. Dans la zone tampon et dans la zone de transition de la RBT W, les facteurs de conflits sont nombreux. Les populations agricoles sont de plus en plus confrontées au manque ou à l’appauvrissement des terres au niveau de leur terroir. Par ailleurs, une forte croissance démographique accentue les tensions liées à l’accès et à l’exploitation des sols de culture.
La pression du front de colonisation agraire génère des conflits entre agriculteurs, entre agriculteurs et éleveurs mais aussi entre éleveurs. Ces derniers sont rejetés de plus en plus loin hors des terroirs agricoles et acceptent mal de voir leur mobilité saisonnière se restreindre. Dans de telles circonstances, les aires protégées, comme le Parc Régional W, deviennent alors des espaces de refuge et des zones
de pâturage idéales.

Au Niger, pays de grande tradition pastorale, la cohabitation entre agriculteurs et éleveurs pose des problèmes de plus en plus aigus. Les conflits, parfois violents, sont dus à la mise en culture des couloirs de passage, des aires de pâturage et des alentours des points d’eau pastoraux ou encore aux dégâts causés aux cultures suite au passage des troupeaux. Les conflits entre agriculteurs sont quant à eux souvent liés à la délimitation des champs mais aussi à la remise en cause d’un gage coutumier, d’un prêt foncier ou d’un partage successoral.
Les conflits entre éleveurs concernent quant à eux l’accès aux points d’abreuvement des animaux et le contrôle des pâturages. Il existe une véritable compétition pour la maîtrise des ressources fourragères surtout dans un contexte de pression agraire, d’appauvrissement des sols ou/et de sécheresse.

Sous l’angle juridique, les questions au cœur de ces conflits sont à mettre en lien avec la logique plurale des sociétés communautaires. La nature communautaire des rapports sociaux et le privilège reconnu à la valeur d’usage sur la valeur d’échange (bien connue mais non réalisée) ont pour conséquence d’introduire différents systèmes de sécurisation foncière. On peut observer trois types de régulation :
au plan interne « les systèmes d’exploitation des sols », au plan interne-externe, les « systèmes de circulation-distribution des produits de la terre », au plan externe « les systèmes de répartition des terres »

. Toute la difficulté est d’intégrer ou de reconnaître la diversité des formules de sécurisation issues du droit coutumier dans le « droit moderne » qui continue à faire autorité. Cela implique notamment d’étendre le champ des concepts de propriété et de domanialité, en sorte que les gages coutumiers conclus soient reconnus par la législation moderne en vigueur. Ainsi au Niger, et dans une certaine mesure au Bénin, l’existence d’un domaine foncier étatique n’exclut pas l’application de
règles coutumières. Selon les articles 4 et 5 de l’Ordonnance 93-015 du 2 mars 1993 portant principes d’orientation du Code rural nigérien « les ressources naturelles font partie du patrimoine de la Nation » et « les droits qui s’exercent sur les ressources naturelles bénéficient d’une égale protection qu’ils résultent de la coutume ou du droit écrit ». Une approche similaire du droit foncier sur cette double
base juridique est utilisée au Bénin. Par contre, le Burkina Faso a institué un domaine foncier national et la loi 14/96 ADP du 23 mai 1996 portant réorganisation foncière ne comprend aucune disposition relative aux terres de terroir, c’est-à-dire à celles soumises en pratique à la gestion coutumière. Elles sont laissées dans un flou juridique et placées dans une situation provisoire sans perspective claire
d’une prochaine reconnaissance juridique.

L’engagement dans une gestion commune tripartite

L’idée d’actions concertées pour gérer les aires protégées dans la région du W datent du début des années 1980. Entre 2000 et 2008, le programme ECOPAS permettra de donner les ressources financières au lancement d’un projet portant sur une zone érigée par la suite en RBT W, en 2002. Un accord sera conclu en 2008 sur la gestion concertée de la RBT.

La RBT W

Le cas de la RBT W est tout à fait remarquable pour plusieurs raisons mais notamment parce que la création de la RBT intervient avant l’adoption d’un accord tripartite et que cet accord va s’appuyer sur le zonage et les fonctions des zones tels qu’établis dans le dossier d’inscription auprès de l’UNESCO.
La démarche juridique des Etats est donc cohérente par rapport à l’intégration de cette zone dans le réseau mondial des réserves de biosphère de l’UNECO.

L’aire centrale et son régime juridique

Le cœur de la RBT W est composé du Parc Régional W, lui même composé des trois parcs nationaux de chaque pays. A cet égard, l’article 6 de l’Accord de 2008 dispose que l’aire centrale est consacrée à la protection à long terme et que son régime juridique est celui applicable dans les parcs nationaux tel que défini par les textes nationaux en vigueur. Par conséquent le régime juridique applicable à la zone
centrale n’est pas harmonisé entre les trois pays. Des disparités peuvent apparaître sur l’interdiction ou au contraire la tolérance vis-à-vis de certaines activités mais elles n’ont pas suffi à justifier une harmonisation du statut de parc national entre les trois pays.
Par exemple au Burkina, aucune interdiction expresse n’est formulée concernant la pêche dans les parcs nationaux même s’il est précisé que la pêche pourra y être autorisée sur la base de dispositions spécifiques. Au Bénin, au contraire, la pêche est interdite dans les parcs nationaux. Quant au Niger, aucune interdiction de pêche n’est clairement prévue par les textes. La plupart des autres droits d’usage
sont exclus des parcs nationaux de chacun de ces pays. Le Burkina envisage que le texte constitutif du parc puisse éventuellement préciser des mesures compensatoires au profit des populations locales concernées.

Le régime juridique de la zone tampon

Concernant la zone tampon de la RBT, zone utilisée pour des activités de coopération compatibles avec des pratiques écologiquement viables, celle-ci entoure ou jouxte normalement les aires centrales. La Stratégie de Séville concernant les réserves de biosphère et le cadre juridique du réseau mondial des réserves de biosphère précise qu’elle doit être « clairement identifiée ». Différentes catégories d’aires protégées impliquant des régimes juridiques variés peuvent composer la zone tampon d’une RBT, ce qui est le cas pour la zone tampon de la RBT W avec pour le Bénin des zones cynégétiques (Djone et Mekrou), pour le Burkina Faso, une réserve partielle (Kourtiagou), et une zone cynégétique (Tapoa-Djerma), et pour le Niger, une Réserve totale (Tamou) et une réserve partielle (Dosso).
Cette diversité des régimes juridiques en lien avec une catégorisation des espaces distincte d’un pays à l’autre ne présente pas de difficulté pour acquérir le statut de RBT dès lors que les Etats ont une compréhension commune des caractéristiques de chaque zone. L’article 7 de l’Accord de 2008 prévoit dans la même optique que « les activités menées dans la zone tampon doivent être compatibles avec les objectifs de conservation » et que celles-ci sont réglementées par les textes nationaux selon le statut et le régime juridiques qui leur sont attribués. Dans le cas de la RBT W, les différences de régimes juridiques et la diversité des activités d’un Etat à l’autre mais aussi d’une localité à l’autre sont assez marquantes.


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