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La recherche archéologique et préhistorique au Burkina Faso

La recherche archéologique et préhistorique au Burkina Faso n’est devenue une
activité régulière que depuis une trentaine d’années. De la conquête française en 1896 jusqu’à 1970, l’archéologie fut l’affaire de non spécialistes (administrateurs, médecins, géologues,missionnaires) qui firent des découvertes fortuites, réalisèrent des collections et laissèrent même des relations sur leurs découvertes.

Dix ans après l’indépendance intervenue en 1960,aucune structure nationale ne s’occupait encore de recherche archéologique. Puis cette activité s’est implantée et développée au Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), à l’Université de Ouagadougou et à la Direction du Patrimoine Culturel (DPC) du Ministère chargé de la Culture.

Malgré cet essor récent, l’inventaire du patrimoine archéologique reste d’actualité, la prospection inachevée et les fouilles rares. On peut cependant dresser d’une part l’apport des précurseurs, ceux d’avant 1970, et d’autre part les contributions des archéologues de métier, nationaux comme expatriés, qui interviennent à partir de 1970.
Tous ces gens ont livré des informations dont l’exploitation éclaire l’histoire des pays dont la conquête a donné l’ancienne Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso.

I. Le temps des découvertes fortuites

Entre le moment de la conquête et 1970, les agents de la colonisation ont été les premiers archéologues du pays. Des personnes de professions diverses, au cours des tournées qu’exigeaient leurs métiers, sont tombées sur des vestiges qui les ont
impressionnées. Elles en ont, le plus souvent, laissé des relations écrites.

Certains ont même effectué des prélèvements, constituant ainsi les premières collections archéologiques du pays. Celles-ci se sont retrouvées en dépôt au Centre Voltaïque de la Recherche Scientifique CVRS)1, actuel Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), ou à l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN), actuel Institut Cheikh Anta Diop de Dakar.

D’autres collections archéologiques et ethno-archéologiques se sont retrouvés au Musée de l’Homme à Paris, au Musée de paléontologie de Liège en Belgique, au Musée Royal d’Afrique Centrale à Tervuren en Belgique, à l’Institut Léo Frobénius à Francfort et dans des dépôts privés.

    • Les collections en question étaient constituées de matériels lithiques, de pièces
      céramiques, de parures en pierre et métaux et enfin d’outils et armes métalliques.
  • Parmi ces précurseurs, certains noms doivent être cités, et tout d’abord Henri
    Labouret2 dont la contribution à la connaissance de l’histoire du sud-ouest du pays est prodigieuse. Il a joué pour le « Rameau Lobi » le même rôle qu’a joué Marcel Griaule pour les Dogon.
  • Outre l’histoire des migrations et de l’organisation politique, économique et
    socio-culturelle des peuples qu’il regroupe sous l’appellation « tribus du rameau lobi », il laisse une littérature très instructive sur les fameuses ruines du lobi qu’il a contribué à faire connaître internationnalement. Il a été aidé dans cette œuvre de diffusion par le docteur Emile.

1 Le CVRS, créé en 1954, était une section de l’IFAN de Dakar et ce, jusqu’à l’indépendance.

2 Henri Labouret fut administrateur français à Diébougou (Bougouriba) puis à Gaoua (Poni) où l’essentiel de sa carrière s’est déroulée. Entre 1916 et 1958 il a écrit plus de vingt titres sur ceux qu’il a dénommés « les tribus du
rameau lobi ».

Ruelle en 19053, les administrateurs Maurice Delafosse4 et Jacques Bertho5 entre 1902 et 1952. Henri Labouret a effectué des sondages dans certaines des ruines du Lobi (Oyono, Yérifoula, Karankasso) mais le matériel exhumé et qu’il a décri, ne nous est pas parvenu. Il se trouve probablement dans une ou des collections privées6.
Jacqus Bertho, en plus de son intérêt pour les ruines du Lobi, s’est également
intéressé vers 1946 à la production artisanale de fer dans le territoire de Haute-Volta. Il a ainsi décri avec beaucoup de minutie cette activité en pays bwa, autour de Dédougou. Il est l’un des témoins occulaires du fonctionnement des derniers fourneaux de réduction du minerai de fer.
Avec lui, et sur ce thème, il faut nommer aussi le Capitaine Noiré, administrateur de
Ouahigouya (1904) et Claude Francis-Bœuf (1937) dont le regard s’est porté sur les
techniques de réduction dans presque tous les territoires de l’ancienne Afrique Occidentale
Française.

  • 3 Ruelle E., 1905, Note sur les ruines d’habitations en pierre de l’Afrique occidentale française. Bulletin de géographie historiques I, pp. 466-472.
  • 4 Delafosse, M., 1902, Découverte de grandes ruines à Gaoua (Soudan Français). L’anthropologie, 13, pp. 778 -781.
  • 5 Bertho, J. 1952, Nouvelles ruines en pierre en pays lobi. Notes Africaines 54, pp. 33-35.6 Voir figure 1 : carte et dessins extraits de Labouret.

Parmi les précurseurs, Raymond Mauny est le plus connu. Ancien administrateur colonial comme Henri Labouret, il s’est très vite tourné vers la recherche et dirige dans les années 1950 la section préhistoire- protohistoire de l’IFAN de Dakar. C’est
dans ce cadre qu’il publie en 1966 son monumental « Tableau géographique de l’Ouest Africain au moyen-âge » qui est une brillante compilation de résultats de recherches archéologiques et historiques pratiquées dans les territoires français de la sous-région.
Auparavant il avait publié dans les Notes Africaines un « Etat des connaissances sur la préhistoire et l’archéologie de la Haute-Volta ». Ce document est resté longtemps la seule synthèse sur l’archéologie et la préhistoire au Burkina Faso. Raymond Mauny y récapitule toutes les découvertes connues alors. Sa position à l’IFAN de Dakar lui permettait d’être au cœur de l’information scientifique.

Grâce à ce premier bilan, des auteurs peu accessibles sont connus et leurs découvertes exposées. Les plus importantes à l’époque sont les ruines du Lobi, les sites préhistoriques des environs de Banfora, Bobo-Dioulasso, Gaoua, Douna, Sindou,Kawara, etc., les nécropoles à jarres et les rupestres de l’Aribinda7. L’auteur conclut son article en proposant des éléments de méthodologie pour poursuivre les recherches archéologiques et préhistoriques.

Plusieurs sites d’art pariétal ont donc été révélés par les précurseurs. Aux travaux de Jean Rouch et de Yves Urvoy il faut ajouter ceux de Jean Henninger (1954 et 60)8,
du R.P. Jean Hébert (1961)9 et de Antoine Prost (1971)10. Avec ces auteurs sont identifiées et décrites des gravures rupestres sur les dômes granitiques autour d’Aribinda, sur des tables de grès dans les environs de Toussiana, à l’intérieur d’une grotte à Borodougou, à proximité de Bobo-Dioulasso. Les auteurs ayant travaillé isolément, aucune étude comparée n’a été tentée entre les différentes représentations. Aucun d’eux n’a pu résoudre le problème de la datation
des vestiges et parfois même celui de leur interprétation. Parmi ce groupe d’auteurs il
convient de signaler la contribution très significative du R.P. Jean Hébert à la recherche archéologique et historique au Burkina Faso.
Fondateur et enseignant au Collège de Toussiana, l’un des tout premiers centres de formation d’instituteurs dans la colonie de HauteVolta, le R P. Jean Hébert s’est montré d’une curiosité multidirectionnelle. Ses nombreuses investigations, son souci de mettre à la disposition des élèves voltaïques des instruments pédagogiques adaptés, l’ont conduit à publier deux manuels d’histoire, l’un sur la Haute-Volta
et l’autre sur l’Afrique Occidentale française11.

Parmi les précurseurs, signalons aussi Georges Savonnet qui jusqu’aux années
1980 continuait de produire sur l’archéologie burkinabè. Il fut le premier à décrire des ruine

  • 7 On consultera avantageusement :
  • Bequart, M., 1948 (1951) : Le néolithique dans le territoire de Gaoua. (Bull. Soc. Roy. Belge d’Anthrop et de préhistoire) T LIX, pp. 118-138.
  • Creach, P., 1951 : Sur quelques nouveaux sites et nouvelles industries préhistoriques d’AOF (CR 1 er congrès africain), Dakar 1945, Paris 1951, 11, pp. 387-430.
  • Rouch, J., 1961 : Restes anciens et gravures rupestres d’Aribinda (Haute-Volta). Etudes voltaïques, Ouagadougou, pp. 61 -69.
  • Urvoy,Y., 1941 : Gravures rupestres d’Aribinda (Boucle de Niger), Journal Société des Africanistes, TXI, pp.1 -6.
  • 8 Henninger, J., 1954 : Abris sous roche de la région de Bobo-Dioulasso. Notes Africaines N° 64, pp. 97-99.Henninger, J., 1960 : Signification des gravures rupestres d’une grotte de Borodougou (Haute-Volta) – Notes Africaines N° 88, pp. 106-110.
  • 9 Hébert, J., 1961 : Esquisse de l’histoire du pays toussian (Haute-Volta). Bull. de l’IFAN, 23 (1 -2), pp. 309-328. 10 Prost, A., 1971 : Quelques vestiges de la région d’Aribinda (Haute-Volta). Notes Africaines, N° 130, pp. 41 - 43.
  • 11 Les deux manuels, rédigés en collaboration avec Marcel Guihem et Sylvain Toé, ont été publiés en 1961 par LIGEL, Paris.

de fortifications en pays nuna-sissala situées autour de Léo12. Il s’intéressa également aux anciennes mines d’or de la région de Dano dans la Bougouriba qu’il confondit hélas avec des habitations troglodytes. Les artefacts prélevés sur le terrain, parmi lesquels deux bracelets en bronze ou laiton dont les dessins sont reproduits en couverture de « Notes et Documents Voltaïques », publication du Centre Voltaïque de la Recherche Scientifique, ont tous disparu.
Tout récemment, Georges Savonnet a proposé sa lecture relative à l’ensemble des ruines (des centaines) qui parsèment le pays lobi-dagara .

Enfin, les recherches parallèles de Guy Le Moal14 et de Robert Guitat
touchant l’archéologie et la préhistoire du Burkina fAso ne manquent pas d’intérêt.

Ont été ainsi présentés les travaux de certains précurseurs, ceux dont la
contribution nous a paru majeure pour le futur de l’archéologie burkinabè. Ils ont réalisé un travail d’identification et de déblaiement qui nous rend de grands services aujourd’hui. En effet, les opérations qui ont été menées ultérieurement ont eu pour guides leurs données.
Il reste regretable que beaucoup d’artefacts de la période aient disparu. Les
quelques pièces retrouvées au Musée National qui les avaient héritées du CVRS et dont certaines servaient à caler des jarres d’eau, ont été inventoriées et étudiées par le laboratoire d’archéologie de l’Université où elles se trouvent maintenant en dépôt. Signalons que l’étude ne s’est pas faite sans mal, les pièces manquant parfois de références et étant toutes sans dossier16.
L’importante collection d’artefacts gérée par le Département préhistoire
protohistoire de l’IFAN de Dakar a été recensée par le laboratoire d’archéologie en décembre 1984. Il reste le problème de sa restitution au Burkina Faso ou même de son étude sur place. Il est très probable que des collections / objets souvenirs, des photographies et des cahiers de notes de l’époque coloniale se trouvent aux mains d’ayant-droit de personnes ayant exercé dans la colonie de Haute-Volta. La recherche archéologique burkinabè a besoin de tous ces témoins et de tous ces témoignages. L’histoire du Burkina Faso n’est pas encore écrite et il serait hautement souhaitable que tous ceux qui détiennent des « parcelles » de cette histoire se fassent connaître et surtout révèlent au grand jour les documents en leur possession.

Après les précurseurs dont les recherches en archéologie ou en histoire ne
constituaient qu’une activité secondaire, arrivent des professionnels qui font de la recherchesur programmes.

  • 12 Savonnet, G., 1956 : Notes sur quelques ruines situées dans la région de Léo (Haute-Volta). Notes Africaines N° 71, pp. 70-72.
  • 13 Savonnet, G., 1986 : Le paysan gan et l’archéologue ou l’inventaire partiel des ruines de pierres du pays Lobigan (burkina Faso – Côte d’Ivoire). Cahiers ORSTOM, B, 22 (1), pp. 57-82.
  • 14 Le Moal, G., 1960 : Les habitations semi-souterraines en Afrique de l’Ouest (Haute-Volta). Journal Société Africanistes, TXXX, 2, pp. 93-203.
    Le Moal, G., 1982 : Vestiges préhistoriques du pays Bobo. Cahiers de l’ORSTOM, B, XVIII, 1, pp. 255-259.
  • 15 Guitat, R., 1972 : Carte, répertoire des sites néolithiques du Mali et de la Haute-Volta. Bull. IFAN, B, TXXXIV, 4, pp. 923-930.

16 On pourra consulter avec profit :

  • - Traoré, D., 1986, : Le Musée National du Burkina Faso. Approche historique. Mémoire de maîtrise d’Histoire et Archéologie, Université de Ouagadougou, 130 p.
  • - Bayère, D., 1993, : Les bijoux du Musée National de Ouagadougou. Approche historique. Mémoire de maîtrise d’Histoire et Archéologie, Université de Ouagadougou, 128 p.
  •  
  • - Ouédraogo/Sarambé, F., L’inventaire et la typologie des pièces lithiques du musée national de Ouagadougou,Mémoire de maîtrise de préhistoire, Université de Ouagadougou.


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